Tiers-lieux, fablab, hackerspaces. Et plus si affinités

9782364051263

Tiers-lieux… et plus si affinités de Antoine Burret

 

L’ouvrage le plus complet sur les tiers lieux, fablab et hackerspaces

« J’ai exploré les tiers-lieux en essayant de comprendre comment s’organisent ces individus, ce qu’ils redoutent, ce qu’ils espèrent. J’ai étudié sur le terrain ces populations émergentes, avec leurs coutumes et leurs mœurs. J’ai utilisé leurs services, leurs outils, leurs référentiels juridiques et politiques. J’ai participé à la création des services, produit des textes, alimenté des réflexions. J’y ai trouvé des amis, des emplois, des méthodes, des axes de recherche, et ma compagne. J’ai vécu comme eux, voyagé, consommé, rencontré les mêmes angoisses, les mêmes joies. Et c’est un engrenage, car ils explorent une autre manière de vivre en société, de penser les organisations et la création de valeurs. C’est une pratique quotidienne, et, lorsque l’on commence à s’y frotter, peu importe sa viabilité à long terme, il est difficile de faire marche arrière. » Ce livre est le résultat de près de cinq années de recherche sur le terrain. Antoine Burret retrace l’origine des tiers-lieux et analyse leurs racines philosophico-politiques. Il décrit comment, dans une société gouvernée par l’information, ils sont devenus des lieux de vie et de production. Il montre que la manière de travailler et de vivre qu’ils proposent débouche sur des modèles de création entrepreneuriale très éloignés du schéma directeur des start-up. Cet ouvrage apporte un éclairage essentiel pour comprendre l’avènement d’une économie collaborative où l’individu se retrouve entrepreneur de soi, où les modes de travail et de salariat issus de la révolution industrielle se sont radicalement transformés.
Biographie de l’auteur :
Antoine Burret est diplômé en management et politiques culturelles dans les Balkans, et doctorant en socio-anthropologie au Centre Max-Weber, université Lyon-II. En France et à l’international, il a participé à la création et au développement des tiers-lieux et de nombreux dispositifs collaboratifs dédiés à l’innovation, au partage de connaissances, à la mutualisation de ressources et la création collective de biens communs pour favoriser la résolution de problèmes de société.

 

 

Broché : 176 pages
Prix : 16 euros TTC
EAN 13 : 978-2-36405-126-3

 

 

Sommaire :

 

Chapitre I : Le plus grand bonheur du plus grand nombre

Chapitre II : L’invention des tiers-lieux

Chapitre III : Avant d’en revenir à la culture

Chapitre IV : Le concierge et le dictateur bienveillant

Conclusion

Bibliographie sélective

 

 

Extrait :

Introduction

 

 

Il y a quelques années, au cours de l’un des repas collectifs hebdomadaires organisés dans l’espace de coworking[1]où je travaillais, un professeur apostropha les personnes présentes : « Avez-vous déjà entendu parler de tiers-lieux ? C’est un sujet sérieux, grave ! » Le terme de tiers-lieuxne m’était pas inconnu. Il recouvrait alors une réalité aux contours flous, comme une expression utilisée par défaut pour qualifier un je-ne-sais-quoi d’indéfinissable. Le sociologue américain, Ray Oldenburg, l’avait introduit dans un ouvrage qui n’était pas traduit[2] ; seule une définition approximative s’était diffusée au travers de quelques articles. Le tiers-lieu était, semblait-il, un lieu intermédiaire entre le domicile et le travail. La confusion augmentait en observant que ce terme regroupait aussi bien des bars, certains commerces, des espaces de travail, de fabrication numérique, des bibliothèques, etc. Le professeur avait évoqué ces tiers-lieux avec tant d’insistance qu’il me sembla nécessaire d’approfondir le sujet, d’essayer de comprendre les raisons pour lesquelles un professeur émérite, spécialisé dans les systèmes d’information et la science des services, semblait si bouleversé par cette nébuleuse qu’étaient les tiers-lieux.

Il revenait tout juste d’Autrans, une station de ski du Vercors qui avait accueilli pour la seizième année consécutive la rencontre des acteurs de l’internet en France. Comme chaque année depuis le milieu des années 1990, plusieurs centaines de personnes s’y étaient donné rendez-vous durant trois jours pour parler d’internet et de ses usages. Le programme indiquait que le grand chalet aux allures de camp de vacances où se tenaient les rencontres serait transformé en un tiers-lieu qualifié d’« éphémère ». C’est-à-dire, pour les participants, une mise en situation ponctuelle des conditions de travail en tiers-lieux. Des gens de tous métiers, de toutes disciplines, de toutes organisations, s’y étaient rendus. Le milieu associatif côtoyait le monde de l’entrepreneuriat, de l’administration, de la politique, des journalistes, des universitaires… Les participants venaient de territoires différents ; leur compréhension des problématiques divergeait selon les métiers, les responsabilités, les enjeux locaux auxquels ils étaient confrontés. La conjoncture économique, écologique, technologique et sociale remettait en question les assises structurelles de chacun. Les participants subissaient quotidiennement un bouleversement profond de leurs modes de fonctionnement : les entrepreneurs se voyaient obligés de repenser leurs modèles économiques ; les élus réévaluaient leurs rôles auprès des citoyens ; les associations redessinaient leurs périmètres d’action ; les étudiants ne pouvaient qu’essayer de créer leurs propres emplois. Il y avait un intérêt commun à s’engager dans une exploration collective des nouvelles voies promises par le numérique, mais il fallait dépasser la discussion. Aux abords du bâtiment, dans le parc arboré, les participants passaient des heures paisibles installés sur des chaises longues, tandis que d’autres s’adonnaient aux sports d’hiver sur les plaines enneigées. Devant le hall d’entrée, sur les escaliers, des hommes et des femmes d’âges indistincts formaient de petits groupes et s’échauffaient dans des conversations passionnées. Certains préféraient s’isoler, un ordinateur sur les genoux. À l’intérieur, les couloirs fourmillaient de monde. La dizaine de salles ordinaires s’animaient au rythme des conférences et des ateliers pratiques. À plusieurs, profitant de l’intelligence de chacun, les participants se stimulaient et exploraient de nouvelles pistes pour concrétiser leurs ambitions. Des problématiques aussi variées que les mécanismes de coproduction des villes, la création de services collaboratifs, la mise en place de monnaies complémentaires, ou encore l’ouverture des données publiques étaient abordées. Dans une débauche d’énergie remarquable, les participants écoutaient, proposaient des idées, des pistes, des projets, des programmes. À l’issue des ateliers, les travaux se poursuivaient dans la salle principale, dont les larges baies vitrées donnaient sur le parc, et au milieu de laquelle trônait une grande cheminée. Des murets de briques rouges la scindaient en plusieurs compartiments, et des canapés en bois laqué, aux couleurs criardes, étaient disposés çà et là. Sur quelques tables reposaient tout un tas d’objets en plastique orange et blanc, fraîchement imprimés, des outils en métal, des circuits imprimés, une imprimante 3D, des tours d’ordinateur ouvertes, des bidons transformés en serveurs ainsi qu’un grand pingouin en carton. Des écrans allumés juchés sur de hauts pieds quadrillaient l’espace. Dans un recoin, un studio d’enregistrement avait été aménagé, et des Post-it, des marqueurs, des stylos s’éparpillaient sur les nombreuses tables faisant office de bureaux.

De jour comme de nuit, la salle ne désemplissait pas. Des conférences improvisées s’y tenaient. Des formations sur des outils numériques, sur des techniques de gestion de groupe, sur des jeux vidéo s’organisaient spontanément. Autour des tables, les participants absorbés par leurs tâches pianotaient sur leurs ordinateurs, un casque audio sur les oreilles. D’autres riaient ou interpellaient leurs voisins sur un problème rencontré. D’autres encore, accroupis sur le sol carrelé, débattaient devant des schémas dessinés à la main sur de grandes feuilles blanches. Sur les canapés, de petites siestes s’improvisaient ici, quand d’autres entamaient là une discussion confidentielle. Au fur et à mesure, les cernes apparaissaient sous les yeux, les gobelets vides se multipliaient un peu partout, et une odeur mêlée de café, de bière et de sueur embaumait l’atmosphère. En quelques jours, la petite station de ski du Vercors s’était transformée en un lieu de vie débridé, de travail intensif, dédié à la création, à la recherche de solutions, à la rencontre de l’autre. Mais ce n’était pas tant le contexte réjouissant d’Autrans qui avait marqué le professeur — le monde de l’entrepreneuriat, du design, de l’informatique regorge de conférences, de colloques et de formats de travail collectif — que le sentiment d’être dans un endroit privilégié, où les modèles d’organisation sociale étaient remis en question. Derrière l’improvisation, l’invention et les combinaisons inattendues d’éléments hétérogènes, les participants s’essayaient à une redéfinition des formes d’association et des règles communes qui régissent les organisations. Dans un désordre apparent, ils concevaient une idéologie ou une politique qui puisse être un projet alternatif à la situation actuelle, sans quête de pouvoir ni posture d’opposition, mais œuvrant à la construction d’un socle de sens commun.

Quelques mois plus tard, l’un des organisateurs du tiers-lieu éphémère d’Autrans vint me rendre visite. Il intervenait dans une conférence sur la ville intelligente près de Thonon-les-Bains, et venait d’achever un tour de France des tiers-lieux. Il avait visité près de quatre-vingts lieux qui se reconnaissaient derrière ce concept, en France, en Belgique, au Royaume-Uni et maintenant en Suisse, pour y rencontrer les fondateurs. Il s’agissait aussi bien des petits espaces de coworkingen province, d’espaces plus connus ou réputés, de certaines pépinières d’entreprises ou incubateurs, d’espaces de pratiques numériques, des makerspaces[3], des fab lab[4], des hakerspaces, des laboratoires urbains, des cafés associatifs, des jardins partagés. Une multiplicité de dispositifs, de structures qui, en apparence, ne se ressemblaient en rien, mais qui agrégeaient cependant en leur sein des individus différents ayant l’objectif commun de réaliser quelque chose. Il me parla des difficultés rencontrées par ces différentes initiatives, souvent « à bout de souffle », des services et des produits en cours de création par les entrepreneurs et les différents porteurs de projets. Il évoqua aussi les commentaires des usagers et des fondateurs, et cette impression qu’ils avaient de participer à quelque chose de plus grand qu’eux. Que le plus dur pour eux était d’articuler les concepts à la réalité du terrain, de faire coïncider les ambitions structurelles dont ils s’inspiraient au travers de conférences, de publications, d’exploration collective avec les luttes internes, les batailles d’ego et les relations de pouvoir. Que les intentions écologiques, l’économie collaborative, la révolution numérique et tout ce « nouveau monde » dont on nous rebat les oreilles entreraient en conflit avec leur territoire d’application créant un statu quoqu’ils qualifiaient d’« asphyxiant ». D’après ce qu’il avait vu, quasiment personne ne vivait de cela, et pourtant ils répondaient tous à des besoins d’intérêts généraux en innovant, en créant de nouvelles valeurs, des solutions pour les territoires, pour les organisations, pour les entreprises.

Je n’étais toujours pas convaincu par la notion de tiers-lieu.

Il m’expliqua alors avec un talent et une pugnacité communicative que d’être plus précis serait prendre le risque d’exclure. Que si le concept de tiers-lieu s’impose, c’est justement parce qu’il ne dit rien que ce que l’on veut y mettre. Que devant la complexité des problèmes auxquels sont confrontés les individus et les organisations, il est nécessaire de proposer un cadre de confiance neutre, afin que les individus et les organisations travaillent ensemble à trouver et implanter des solutions. Peu importe que l’on soit banquier, universitaire, fonctionnaire, ouvrier ou à la recherche d’un emploi, la structure sociale sur laquelle reposent ces différents statuts est instable. Des problèmes écologiques à la financiarisation, de la dette publique à la dette des ménages, du numérique émancipateur au numérique de grande consommation, de la gestion des organisations aux ressources humaines, des enjeux internationaux aux enjeux locaux, des entreprises aux industries, chacun cherche une forme d’issue. Le salut doit passer par l’innovation. Alors le monde entier propose et expérimente. Jamais autant de savoir n’a été disponible, à portée de « clics ». Les fils de conversations sur les différents réseaux sociaux drainent avec eux les dernières découvertes, les derniers événements, qui « prototypent » le temps d’une journée, la cité idéale. Il me répéta que chaque semaine, de nouveaux projets voient le jour dans les villes, mais aussi les campagnes autour d’un espace de coworking, d’un espace de travail à distance, d’un espace de pratiques numériques, d’un fab lab, d’un jardin partagé, d’une maison des associations, d’une friche industrielle, d’une pépinière d’entreprises. Et ces projets ont tous un point commun : l’envie de créer des services pour travailler et vivre mieux et autrement.

Il parlait de tout cela, et plus encore, avec un vocabulaire fait d’anglicismes, de néologismes, de termes techniques empruntés à l’informatique parfois déroutants. Mais je compris finalement que le nom donné au dispositif importait bien peu, que les murs et le bâtiment n’étaient que la partie visible, et que c’était le processus de co-construction et la dynamique de partage qui donnaient sa valeur au tiers-lieu. Dans sa bouche, les tiers-lieux étaient le milieu essentiel pour permettre, dans les mois et les années à venir, de trouver localement des solutions à des problématiques globales telles que l’emploi, le logement, l’alimentation, l’éducation, la consommation, la production, l’environnement. Il m’expliqua ensuite que les rencontres internet d’Autrans avaient été un moment fondateur. Le groupe francophone des tiers-lieux avait été créé à cette occasion. Ce groupe éparpillé entre plusieurs villes, plusieurs régions, plusieurs pays travaillait désormais ensemble au quotidien par le biais de plateformes numériques pour affiner leurs méthodes, développer tout un attirail de modèles d’affaires, de modèles juridiques, de modèles de financement, pour faire travailler en bonne intelligence des acteurs aux profils et aux ambitions différentes.

À l’issue de cette rencontre quelque peu déroutante, j’ai lâché prise et décidé d’explorer moi-même les tiers-lieux, modestement, laissant en retrait un présumé bagage théorique. J’ai essayé de comprendre comment s’organisent ces individus, ce qu’ils redoutent, ce qu’ils espèrent. J’ai lâché prise, oui, car je me retrouvais dans leurs préoccupations et n’avais pas de réponse aux problèmes que j’observais et auxquels j’étais confronté. J’ai étudié sur le terrain ces populations émergentes, avec leurs coutumes et leurs mœurs. J’ai utilisé leurs services, leurs outils, leurs référentiels juridiques et politiques. J’ai participé à la création des services, produit des textes, alimenté des réflexions. J’y ai trouvé des amis, des emplois, des méthodes, des axes de recherche, et ma compagne. J’ai vécu comme eux, voyagé, consommé, rencontré les mêmes angoisses, les mêmes joies. Et c’est un engrenage, car ils explorent une autre manière de vivre en société, de penser les organisations et la création de valeurs. C’est une pratique quotidienne, et, lorsque l’on commence à s’y frotter, peu importe sa viabilité à long terme, il est difficile de faire marche arrière. Lorsque FYP éditions m’a contacté, il m’a semblé que c’était là une occasion à ne pas manquer, quand bien même les mécanismes de l’édition ne s’accordaient pas avec les logiques de libre diffusion des connaissances, largement promues dans les tiers-lieux. J’ai consulté les différents acteurs pour connaître leurs attentes. Rien de bien précis n’en est sorti, sinon quelques conseils, notamment celui d’être prudent et respectueux, car il s’agissait là du premier ouvrage sur le sujet. La bonne nouvelle étant que ce serait un acteur des tiers-lieux qui s’en chargerait, et non un observateur extérieur.

Ce livre est le résultat de près de cinq années de recherche sur le terrain. Il n’est qu’une interprétation, une traduction qui suscitera, je l’espère, quelques controverses. L’important étant d’améliorer la compréhension de ce qui se passe dans les tiers-lieux et de ce qui se produit à travers eux. Tout le monde n’approuvera pas les analyses et les observations présentées, et certains, probablement à juste titre, y remarqueront des lacunes ou des aspects passés sous silence. Il ne tient qu’à eux de contribuer à l’approfondissement des savoirs sur les tiers-lieux.

 

Cet essai est composé de quatre parties :

Dans la première, j’ai entrepris d’analyser les racines philosophico-politiques des tiers-lieux. La prison panoptique de Jeremy Bentham, qui sert de métaphore au contrôle continu observé par les technologies informationnelles, est également l’expression d’une formule politique où le marché et la concurrence sont devenus un principe universel d’organisation. En prenant toute sa dimension avec l’avènement d’une économie du partage où l’individu se retrouve entrepreneur de soi et fait entrer dans la sphère marchande des activités qui en étaient exclues. Le panoptique se retrouve confronté à une profonde tendance à ne plus rien attendre de l’homme politique et de la supposée incarnation de l’intérêt général par les gouvernements. Une idéologie selon laquelle internet serait le meilleur moyen de se passer de l’État. Celle-ci se matérialise par la création des services utiles aux personnes, qui promeuvent l’émancipation à toute forme de pouvoir et l’autonomie individuelle. Les Bitcoins, Ethereum, Wikipédia, l’open source, le réseau Tor, ou encore les actions des Anonymous, de Julian Assange ou de Edward Snowden, font largement écho au créneau hérité des économistes Friedrich Hayek et Milton Friedman. Une forme de marché universel servit par l’ouverture, le partage des informations et à la contribution volontaire ;

Dans la seconde partie, j’ai tenté de revenir sur la manière dont les tiers-lieux ont été inventés. Il est apparu qu’ils ont émergé dans un contexte structurel propre à de nombreuses situations révolutionnaires. Ceux que l’historien nomme « les intellectuels aliénés » ressurgissent, une population ayant suivi de longues études, espérant par cette voie obtenir une bonne position, et confrontée à un marché des emplois fermé, ou se détournant des emplois proposés. Cette situation qui apparaît aussi bien dans l’Angleterre du xvie siècle, la France prérévolutionnaire, la Russie de 1917 qu’au Printemps arabe de 2011 donne généralement lieu à une sorte de radicalisation idéologique. La frustration et les ressentiments conduisant à contester intellectuellement et politiquement l’ordre établi. Un prolétariat intellectuel qui cherche à renverser sa condition, qui met toute son ambition dans cette quête, sans recherche de pouvoir ou posture d’opposition, mais conduisant à la construction d’un socle de sens commun. Cette population éduquée et sans emploi génère des formules de construction communautaire inspirées des pratiques à l’œuvre dans le cyberespace. Les tiers-lieux sont leur milieu de production et de vie, et c’est à travers eux que toute une population s’essaie à une redéfinition des formes d’association et des règles communes qui régissent les organisations ;

La troisième partie tente de revenir sur la logique de la liberté propre au libéralisme, et décortique en écho les règles qui régissent les tiers-lieux. La gestion des informations apparaît ici être le principal vecteur d’harmonisation et de confiance entre des centres de pouvoir distribué. Les tiers-lieux se développent suivant un processus permettant au plus grand nombre de bénéficier des mêmes ressources. C’est à partir de ces ressources mutualisées que chaque individu est en capacité de poursuivre ses intérêts personnels. L’agencement réglementé des relations et des divers intérêts individuels permet de déboucher sur des modèles de création entrepreneuriale largement éloignés du schéma directeur des start-up.

Enfin, la quatrième et dernière partie revient sur les deux figures qui m’ont semblé essentielles dans les tiers-lieux. Le concierge tout d’abord, car il est l’hôte du tiers-lieu et en assure par là même sa stabilité. Puis, seconde figure, celui qui s’extrait de la communauté pour exercer une forme particulière de leadership et qui, bien souvent, permet aux projets de tiers-lieux ou projets collectifs dans les tiers-lieux de voir le jour. Individu charismatique, il s’apparente à un « dictateur bienveillant ».

 

Mon intention, par cet ouvrage, est de démontrer que la multiplication de tiers-lieux est une nécessité pour les territoires et pour les générations à venir. En suivant quelques règles issues de l’expérience des pionniers, ils deviennent un milieu de création et de vie pour sortir de l’indigence, et outrepasser la violence des foules qui frémit un peu partout. Ce n’est pas magique, ce n’est pas parfait, mais cela existe. Dans le contexte actuel, c’est déjà une grande réussite !

 

[1]. Le coworking, « travail coopératif » ou encore « cotravail », est un type d’organisation du travail qui regroupe deux notions : un espace de travail partagé, mais aussi un réseau de travailleurs encourageant l’échange et l’ouverture.

[2]. Ray Oldenburg, The Great Good Places : Cafes, Coffee Shops, Community Centers, General Stores, Bars, Hangouts, and How They Get You through the Day. Paragon House, 1989.

[3]. Un makerspace(aussi mentionné comme hacklabou hackerspace) est un espace de travail, un laboratoire communautaire ouvert où des gens avec un intérêt commun (souvent autour de l’informatique, de la technologie, de l’usinage, des sciences, des arts…) peuvent se rencontrer, collaborer, partager ressources et savoir.

[4]. Un fab lab(contraction de l’anglais fabricationlaboratory, « laboratoire de fabrication ») est un lieu ouvert au public où sont mis à sa disposition toutes sortes d’outils, notamment des machines-outils pilotées par ordinateur, pour la conception et la réalisation d’objets.