Refonder la communication en entreprise

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Refonder la communication en entreprise. De l’image au social. De Jean-Marie Charpentier et Vincent Brulois

 

La communication en entreprise, en partie avec l’aide du numérique, n’a jamais été aussi abondante et diversifiée. Mais occupée à gérer l’image, la marque ou les « éléments de langage », elle fait trop souvent l’impasse sur le fond des relations entre tous ceux qui font l’entreprise. Or, dans une phase d’incessants mouvements et transformations, sous la contrainte des marchés et de la crise, les entreprises font face à une incapacité croissante à « faire société ». Les questions de lien, de proximité, n’ont jamais été aussi aiguës dans l’univers du travail. Il est temps de « refonder la communication en entreprise » dans le sens de l’échange, de faire place au dialogue interne pour retrouver de la cohérence entre ce qui est dit et ce qui est fait, mais aussi pour donner envie d’agir ou de faire ensemble, c’est-à-dire de coopérer. Croisant les regards de praticiens et de chercheurs, cet ouvrage explore les changements dans la communication, et montre que désormais, l’enjeu pour la communication d’entreprise passe par un rééquilibrage de l’image vers le social. Loin des habituels « prêts-à-penser du management et de la communication », il propose une réflexion et un cadre pour construire une nouvelle dynamique communicationnelle. Une dynamique portée par la qualité des relations et l’intégration de la dimension sociale dans les actions de communication en entreprise.

Jean-Marie Charpentier a une expérience de plus de trente ans dans la communication tant dans le champ social et syndical qu’en entreprise. Il est aujourd’hui en charge de l’Observation sociale dans une entreprise publique. Docteur en sciences de l’information et de la communication, il est l’auteur et le co-auteur de plusieurs ouvrages et articles. Il enseigne à l’université Paris-XIII. Il est vice-président de l’Association française de communication interne (Afci). Vincent Brulois est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-XIII, responsable du master Communication et RH et actuel directeur de l’UFR Communication. Au sein du LabSIC, ses recherches portent sur l’évolution de la fonction Communication en entreprise. Il s’intéresse à l’activité de la fonction (territoire, rôle, métiers), aux professionnels qui l’exercent (qualification, trajectoire, compétences) et aux formations qui y préparent. Il est à l’origine, avec des collègues québécois, belges et français, de Resiproc, un réseau de recherche sur la professionnalisation des communicateurs.

Broché : 192 pages

Prix public TTC : 23,90

EAN 13 : 978-2-916571935

 

 

Sommaire
Introduction : Com’ versus communication
Chapitre 1 : Les trois temps de la communication d’entreprise
Chapitre : Un communicant en réflexion
Chapitre 3 : La communication en tensions
Chapitre 4 : Bug du logiciel managérial et quelques conséquences
Chapitre 5 : Les sciences humaines et sociales pour voir l’entreprise autrement
Chapitre 6 : Le travail et la communication, une affaire politique
Chapitre 7 : Un besoin de refondation et de démocratisation de l’entreprise
Conclusion : Peut-on toujours parler de communication interne ?
Bibliographie



Associant la pertinence de l’acteur de terrain et la force réflexive du chercheur, l’ouvrage trouvera sa place dans les bibliothèques des communicants des organisations privées et publiques et guidera utilement les étudiants engagés dans des recherches appliquées. Sans arrière-pensées, on pourrait ajouter que cet ouvrage constituerait une lecture roborative et précieuse à nombre de décideurs et managers d’en haut….

Roland LABREGERE , Sociologies pratiques n°28.

 

« Pour être efficace, la communication doit être repensée « comme un travail de relation », écrivent les auteurs. Il s’agit d’interagir avec toutes les parties prenantes de l’entreprise, de rétablir notamment le lien entre la parole au travail et l’efficacité économique, en créant de nouveaux temps et de nouveaux lieux de dialogue. Favoriser la parole des salariés incite les collaborateurs à se mettre en accord avec l’entreprise, plus efficacement qu’une vision consensuelle plaquée sur l’organisation. Bien plus qu’un ouvrage écrit par des communicants pour des communicants, l’essai de Jean-Marie Charpentier et Vincent Brulois s’adresse à tous ses acteurs – employeurs, salariés, clients –, pour les  de la nécessité de démocratiser l’entreprise ».

Anne Rodier, Le Monde juillet 2009

 

« Une réflexion sur la dynamique communicationnelle qui se fait avec une écriture agréable car non-jargonnante ».

Liaisons sociales, juin 2013

 

« C’est à notre connaissance le premier ouvrage qui met au centre du tableau les praticiens de la communication interne et qui fait le lien entre crise de la communication et crise de l’entreprise. ll intéressera les communicants internes bien entendu, mais aussi les chargés de ressources humaines, les managers, les consultants, les étudiants et tous ceux qui s’intéressent à l’entreprise. si ce livre pouvait être lu, aussi, par les dirigeants des entreprises »

Jacques Viers, Les Cahiers de la communication interne, juin 2013

 

« A l’heure où l’entreprise est entraînée dans les eaux prometteuses et tumultueuses des réseaux sociaux, comment doit-elle prendre le vent et naviguer ?  Aux skippers de la communication, le livre Refonder la communication en entreprise de Jean-Marie Charpentier et Vincent Brulois, paru en avril  2013 aux éditions FYP, apporte un éclairage bienvenu »

Blog de Jeanne Bordeau, directrice de l’Institut de la qualité de l’expression,  août 2013

 

« Un livre brillant, nécessaire pour ceux qui travaillent dans la communication interne. J’ai apprécié la pertinence des idées et l’extrême clarté des auteurs qui réussissent à concilier la hauteur réflexive et la connaissance des pratiques en entreprise. »

Blog de Thierry Libaert, professeur à l’Université de Louvain,  juillet 2013

 

 

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Introduction
Ce livre questionne la communication en entreprise. Qu’en est-il de cette fonction, de son rôle, de son organisation ? Que disent les communicants de ce qu’on leur demande de faire ou de ce qu’ils aimeraient faire ? Comment évolue la communication dans le fonctionnement de l’entreprise et les pratiques quotidiennes de travail ? Nous parlerons de communication dans l’entreprise, donc de communication interne et nous justifierons la défense de ce qualificatif. L’écriture de ce livre provient à la fois d’un constat et d’une interrogation. Un constat étayé par l’expérience et l’enquête. Une interrogation soutenue par la réflexion et la mise en perspective.
Il se passe quelque chose de singulier dans la communication. Quand on en parle, il n’est question que de messages à transmettre, de cibles à identifier, d’éléments de langage à utiliser, de marques à rendre visibles, mais aussi d’outils, de supports ou de dispositifs. Une vision très réductrice qui limite la communication à un processus de création et de circulation de messages et d’images vers des destinataires qu’il s’agit d’informer, de convaincre, d’influencer, voire de manipuler, mais bien peu d’écouter. Malgré les changements d’époques et les sauts technologiques, l’idée persiste qu’établir une stratégie de communication s’apparente à « faire penser à des publics cibles ce qu’on veut qu’ils pensent afin qu’ils fassent ce qu’on veut qu’ils fassent ».
Pourtant, une évidence s’impose : ce n’est là que la face émergée et fonctionnellement reconnue d’une réalité bien plus vaste et bien plus complexe. Ce que l’on retient communément comme le cœur et la matrice de la communication fait l’impasse sur le fond des relations, des échanges entre tous ceux qui font l’entreprise et le travail. La réalité des communications au quotidien est bien moins de transmettre quelque chose vers quelqu’un et d’en attendre une réaction, que d’échanger afin de faire face à une situation ou un événement, de construire une relation, une négociation, une discussion, un dialogue, une conversation. De cet échange naît un accord ou un désaccord, un consensus ou un compromis. Un lien se crée, qu’une simple transmission, fût-elle insérée dans une stratégie d’influence, ne permet pas. Tout un pan de la communication est mis hors champ au profit d’un autre, dont la mission est de diffuser des messages et des images aux contenus éloignés de la réalité vécue par ceux à qui ils sont destinés. Cet écart mérite examen. Comment a-t-il pu atteindre une telle ampleur ? Que produit la défiance des individus vis-à-vis de ces pratiques de communication ? Pendant combien de temps cet écart est-il encore tenable ? Dans quelle mesure est-il possible de construire une nouvelle dynamique communicationnelle en entreprise ?
Les phases de changements s’enchaînent à un rythme de plus en plus soutenu, donnant l’impression d’un mouvement permanent. L’entreprise agit en même temps qu’elle réagit à des évolutions qui lui échappent en partie. Sous contrainte des marchés, elle se transforme dans un univers plus qu’incertain. Loin d’être spectateurs, les salariés n’acceptent plus ces changements sans mot dire, surtout quand ils mettent à mal leur travail et leur souci de bien faire. Ils s’interrogent, s’expriment, manifestent tantôt du scepticisme, de la défiance ou du rejet. Mais encore faut-il que cette expression individuelle ou collective puisse se manifester. Encore faut-il que cela soit discuté.
Les problèmes du lien et de la relation ressurgissent avec force et violence parfois. En France, les événements dramatiques qu’ont connus plusieurs grandes entreprises, depuis 2007, ont à voir avec l’écart évoqué. Bien entendu, les suicides ou tentatives de suicide excèdent de beaucoup le champ de la communication, mais, en tant que tels, ils expriment la gravité de la crise du lien et l’incapacité croissante de ces entreprises de faire société et de faire place à la parole sur le travail. Et il n’est pas tout à fait anodin que les événements les plus retentissants aient eu lieu chez un opérateur de télécommunication, entreprise hyperconnectée et usant des dispositifs de communication parmi les plus sophistiqués pour faire circuler de l’information en abondance.
Au fond, et c’est notre conviction profonde, la communication est d’abord une question sociale, alors qu’on la cantonne le plus souvent aux dimensions d’image, de marque et de message. Cette conception dominante et restrictive vient de loin. Elle résulte d’un territoire où le monologue s’impose. Les enjeux de pouvoir sont là et bien là. Il s’agit de la possibilité pour des individus d’agir sur d’autres. C’est donc « une relation et non un attribut des acteurs ». Il faudrait être bien naïf pour ne pas voir combien cette empreinte du pouvoir est déterminante dans les formes très variées de communication. La propagation actuelle des éléments de langage en est une manifestation flagrante. Pour autant, cette logique exclusive du monologue à travers une parole ou une image contrôlées se révèle bien moins efficiente que ne le voudraient les directions d’entreprise. La nature des transformations, leur accélération et les tensions qu’elles suscitent contribuent à déplacer les lignes de la communication. Les artifices qui recouvrent bien des dispositifs se voient de plus en plus, et le récepteur sait mieux qu’avant détecter les faux-semblants. Affaire d’habitude, mais aussi de maturité d’un spectateur qu’on voudrait captif et passif, mais qui sait se révéler acteur quand il ne prend pas les vessies pour des lanternes. Bonne nouvelle au fond que cette maturité qui rend vain bon nombre de coups de com’ !
Mais, il y a plus fondamental. Il y a cette réalité d’une transformation des entreprises qui a pris les formes d’un mouvement continu et non plus séquentiel. Il y a tous ces changements qui procèdent d’une logique moins linéaire, moins unidirectionnelle. Leur impact crée des boucles de rétroaction nombreuses tant à l’intérieur de l’entreprise qu’en externe, dans le rapport à la société. Les individus se sentent de plus en plus concernés. Ils laissent moins qu’avant au vestiaire de l’entreprise ce qui les définit dans la société (citoyen, militant associatif, père ou mère de famille, riverain, etc.). Tout ce qui était abordé hier, non sans mal, par le monologue, appelle désormais dialogue, négociation, compromis. Il faut prendre langue avec l’autre, débattre, communiquer au vrai sens du terme, c’est-à-dire échanger et mettre en commun des arguments contradictoires.
Le problème est que cette nouvelle donne n’a pas encore trouvé de traduction réelle et convaincante dans la façon de pratiquer la communication en entreprise. Pour des raisons de pouvoir et de crainte devant l’altérité, on en reste à une communication contrôlée à base d’images et d’outils qui, même si elle incorpore une part d’interactivité, fait peu de place aux échanges véritables. La fonction Communication est pour l’essentiel encore occupée à gérer les attributs de la marque et les éléments de langage, alors que les enjeux actuels et à venir sont beaucoup plus du côté du dialogue entre les différents acteurs de l’entreprise.
La construction de la communication a été, rappelons-le, modelée par une représentation dominante du management. Or, la doxa managériale diffusée depuis des décennies par les business schools et les grands cabinets de conseils fait aujourd’hui l’objet de remises en question, y compris de la part de certains de ses plus célèbres promoteurs. Les crises récentes ont servi de révélateurs. Pour autant, le logiciel managérial a de beaux restes et les résistances au changement de la part des dirigeants sont nombreuses. Du côté des directions de la communication, le référent managérial continue de servir de boussole. Il suffit de voir récemment l’empreinte de la marque sur la communication. Elle s’inscrit dans une conception toujours aussi désocialisée, privilégiant le monologue au dialogue, le miroir à l’agora, l’imposition à la conversation, l’image à la relation.
Pour autant, des craquements se font sentir. Ils existent du côté du management. Ils existent aussi du côté de la communication ou plus exactement des communicants. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec nombre d’entre eux. Ce qu’ils disent de leur métier, de leur rapport aux transformations, de leur attente de savoirs pour comprendre le sens des évolutions, laisse voir des praticiens en quête de quelque chose de nouveau, qu’ils expriment le plus souvent de façon confuse, parfois plus distinctement. Une chose nous a frappés : c’est du côté du lien et de la relation, plus que de la transmission, que les communicants voient à terme leur rôle évoluer. D’où, par exemple, un intérêt plus soutenu qu’il y a quelques années pour les sciences humaines et sociales (SHS). Il y a là, nous semble t-il, un indice d’une certaine envie ou d’un besoin encore imprécis d’ouverture venant de praticiens, encore largement tenus par un régime de communication très normalisé.
Nous sommes à un moment charnière. La question de la communication dans et de l’entreprise n’est pas une question secondaire qu’on pourrait balayer d’un revers de main au motif que ce n’est que de la com’. Même fortement instrumentalisée, même abusivement contractée dans une plateforme de marque, la communication porte une représentation, une façon d’appréhender l’entreprise tant vis-à-vis du corps social que de la société. Par-delà l’inévitable lassitude qui naît de la succession des opérations, des coups de com’ ou de la normalisation des discours et des symboles, il importe de voir ce qui se joue en dessous, de comprendre ce qui se déplace, d’identifier les forces à l’œuvre.
Notre expérience et notre regard sur ce monde de la communication à l’intérieur des entreprises nous conduisent à un constat moins figé qu’il n’y paraît. On aurait tort de ne pas y aller voir sous prétexte que tout aurait déjà été dit et que l’on saurait à présent que la communication ne sera jamais que de la com’. La question de la relation taraude nombre de professionnels qui voient les limites d’un régime de communication arrimé à la seule référence managériale ou à la sacro-sainte image. Confrontés aux nouvelles formes d’irruption du social – surtout quand la relation à l’actionnaire prend le pas sur la relation au client, qui elle-même avait détrôné la relation au salarié –, les communicants perçoivent de façon concrète l’enjeu d’une relation de proximité qui, trop souvent, fait défaut.
Sans doute la réflexion sur la communication en entreprise doit-elle aujourd’hui s’appuyer sur plusieurs dimensions qui, trop longtemps, ont été séparées. Il y a d’abord une expérience acquise depuis plusieurs décennies d’activité de la fonction Communication. Il y a ensuite la réalité d’une communication au cœur même du travail qui est une des données de base de la coopération dans l’activité professionnelle. Il y a enfin une dimension de plus en plus politique de la communication pour une entreprise confrontée à de multiples acteurs dans la société, souvent même dans les sociétés tant l’activité de l’entreprise se déploie à l’échelle internationale. Ces différents angles d’approche méritent d’être remis en perspective, non pas séparément, comme trop souvent, mais dans leur articulation, aussi problématique soit-elle.
La réflexion que nous proposons dans ce livre procède de l’analyse de données obtenues par l’expérience, l’observation, l’étude et des entretiens. L’expérience d’abord, l’un de nous exerçant depuis de nombreuses années dans le domaine de la communication, mais aussi dans le champ social. L’observation ensuite, issue d’une pratique permettant d’observer des collectifs au travail, des situations de communication, des réalités sociales. Routines de travail, us et coutumes de la fonction, dilemmes, décalages entre le dire et le faire, jeux d’acteurs, autant d’éléments viennent nourrir une démarche réflexive. L’étude de documents, par ailleurs, et notamment ceux de l’Association française de communication interne (Afci). Les entretiens enfin, menés d’octobre 2009 à mars 2010 auprès d’une vingtaine de directeurs de la communication, de responsables de la communication interne ou des ressources humaines de grandes entreprises. Une seconde vague d’entretiens, qui a débuté en décembre 2012, est menée pendant l’écriture de ce livre. Les verbatims de communicants qui émaillent la suite du livre sont pour une large part issus des propos tenus par nos interlocuteurs tout en assurant leur anonymat. Nous les avons complétés par les résultats du baromètre de la fonction Communication interne en 2009 et en 2012, réalisé par le cabinet Inergie pour le compte de l’Afci. Nous utiliserons aussi le travail fourni par le groupe que nous avons constitué au sein de l’association, depuis janvier 2009. Ce groupe réunit des responsables de communication en entreprise, professionnels d’agences, universitaires, sous la forme d’un atelier de réflexion autour du lien entre communication et SHS. Des discussions menées et des auditions organisées au sein de cet atelier, il est apparu que ces sciences pouvaient être une source de connaissances appréciable pour penser la communication en entreprise autrement.
Nous ferons nous-mêmes de larges emprunts à ces sciences humaines et sociales pour comprendre les déplacements qui s’opèrent et les possibles reconfigurations de la communication en entreprise.