L’avènement des machines – Robots et intelligence artificielle : la menace d’un avenir sans emploi
Nos emplois vont-ils résister à l’intelligence artificielle ?Quels seront les emplois du futur ? Combien y en aura-t-il ? Qui les obtiendra ? Comment travaillerons-nous ?
Robots, intelligence artificielle et la menace d’un avenir sans emploi, de Martin Ford
Traduit de l’américain ; titre original : Rise of the Robots
ISBN 9782364051409
356 pages
Prix : 22 euros TTC
• Best-seller du New York Times ;
• Lauréat du prestigieux prix « Business Book of the Year » Financial Times-McKinsey ;
• « Top Business Book » du magazine Forbes ;
• Best-seller du New York Times ;
Ouvrage le plus vendu dans le monde sur l’intelligence artificielle et l’emploi
Quels seront les emplois du futur ? Combien y en aura-t-il ? Qui les obtiendra ?
Dans l’avènement des machines, ouvrage richement documenté, Martin Ford révèle comment la technologie est en train de saper les fondements de notre économie, jusqu’à précariser la classe moyenne, pilier de notre modèle économique et de la croissance.
Il démontre que nous allons assister à un effondrement prochain du marché du travail qui ne sera pas la conséquence de la mondialisation ou la délocalisation, mais de la robotique et de l’intelligence artificielle. Ces formes d’automatisation du travail commencent à détruire des millions d’emplois, ce qui entraînera un chômage de masse, une augmentation sans précédent des inégalités et une implosion de l’économie de consommation.
Après l’élimination de majorité de la main-d’œuvre du secteur manufacturier, les emplois des cols blancs sont dans le collimateur y compris en Chine et dans les pays émergents. Salariés du tertiaire, cadres, journalistes, enseignants et mêmes développeurs, tous commencent à être remplacés par des machines et des logiciels intelligents. Et ce n’est que le début.
Les solutions du passé pour faire face à ces disruptions technologiques — en particulier dans l’éducation avec la pléthore de diplômes universitaires — ne fonctionnent désormais plus. Même la flexibilité, la créativité et l’ajout continu de nouvelles compétences sont impuissants.
Ni anti-technologie ni anti-progrès, et même entrepreneur pionnier des nouvelles technologies, Martin Ford va bien au-delà du discours de la peur et du déclin. Il propose des solutions pragmatiques pour adapter notre système économique et la société dans son ensemble aux nouvelles réalités apportées par l’avènement des machines et retrouver le chemin de la prospérité.
Il liste et explique les solutions possibles et définit les conditions de la mise en place de procédés comme le revenu garanti afin que cela marche vraiment : est-ce un renoncement face aux machines ? Est-ce une solution économiquement et socialement viable et efficace ? Ne risque-t-on pas de favoriser le découragement au travail ? Doit-on taxer les robots pour le financer ?
Essayiste et entrepreneur dans la Silicon Valley, Martin Ford est spécialiste de l’impact économique et social des technologies. Fondateur d’une entreprise de développement de logiciels, il a plus de vingt-cinq ans d’expérience dans le domaine de la conception informatique et des technologies de l’information. Il est également chroniqueur pour Fortune, Forbes, The Atlantic, The Washington Post et The Huffington Post. Best-seller aux États-Unis, L’Avènement des machines est son troisième livre.
Sommaire
Chapitre 1 La vague de l’automatisation
Chapitre 2 Pourquoi serait-ce différent maintenant ?
Chapitre 3 Les technologies de l’information : une puissance de disruption sans précédent
Chapitre 4 Les cols blancs en danger
Chapitre 5 Métamorphose de l’enseignement supérieur
Chapitre 6 Relever le défi de la santé
Chapitre 7 Les technologies et les industries du futur
Chapitre 8 Consommation, limites à la croissance… et crise ?
Chapitre 9 Super-intelligence et singularité
Chapitre 10 Vers un nouveau paradigme économique
« Ce n’est pas facile à accepter, mais c’est vrai. L’éducation et le travail acharné ne garantissent plus le succès à mesure que la technologie progresse. Désormais, le temps du déni est terminé. Le moment est venu d’envisager des solutions. C’est ce que propose Martin Ford avec clarté et force. Quiconque se préoccupe de l’avenir et de la dignité humaine ne peut se passer de la lecture de ce livre. » Jaron Lanier
« Un nouveau livre à couper le souffle sur l’économie moderne. » Forbes
ISBN 9782364051409
Broché 356 pages
Prix : 22 euros TTC
Martin Ford s’est imposé au centre du débat sur l’IA, du big data et de l’avenir de l’économie avec un regard aiguisé sur les forces qui façonnent notre vie et notre travail. En tant qu’entrepreneur pionnier des nombreuses tendances qu’il décrit, il parle avec crédibilité et une acuité particulière. Les décideurs et les professionnels de tous les secteurs doivent lire ce livre tout de suite, avant que les robots ne volent leurs emplois. Ford nous donne une feuille de route pour l’avenir. «
-Kenneth Cukier, coauteur de Big Data: une révolution qui va transformer notre façon de vivre, travailler et penser
« Si les robots viennent pour mon travail (aussi), alors Martin Ford est la personne que je veux à mes côtés, non pour les repousser mais pour construire un monde meilleur où nous pouvons tous – les humains et nos machines – vivre plus prospères ensemble. L’avènement des robots va bien au-delà du discours habituel de la peur pour proposer un plan d’action pour un avenir meilleur « .
Cathy N. Davidson, Now You See It: How Technology and Brain Science Will Transform Schools and Business for the 21st Century
« Dans L’avènement des robots, Ford démontre clairement quel travail est menacé par l’automatisation ».-New Scientist
« Les robots, et leurs avatars débarquent. Leur impact sera une question importante au cours de la prochaine décennie et au-delà. Martin Ford a réfléchi sur cette question avant la plupart des autres. Ce mérite une attention particulière. « -Lawrence Summers, président émérite et professeur à Charles W. Eliot, Université Harvard
« Une analyse persuasive et qui dérange ».-Financial Times
« L’avènement des robots est aussi effrayant que le titre l’indique. Ce n’est pas la science-fiction, mais plutôt une quasi-vision de l’Armageddon économique « .New York Times
Extrait de l’Introduction :
Dans les années 1960, le lauréat du prix Nobel d’économie Milton Friedman était en visite dans un pays asiatique émergent. Un jour, on lui montra un site de travaux publics de grande échelle où il fut surpris de voir que la plupart des employés utilisaient des pelles, mais très peu de bulldozers, de tracteurs ou tout autre engin de terrassement. Quand il interrogea le gouvernement officiellement en charge de ces questions, on lui expliqua que ce projet s’inscrivait dans le cadre des « programmes d’aide à l’emploi ». La réponse caustique de Friedman, devenue célèbre, fut : « Alors, pourquoi ne pas leur donner des cuillères plutôt que des pelles ? »
La remarque de Friedman saisit le scepticisme — et souvent la dérision absolue — exprimé par les économistes confrontés aux peurs suscitées par la perspective de destruction d’emplois par les machines, créant ainsi un chômage à long terme. Historiquement, ce scepticisme semble fondé. Aux États-Unis, surtout au cours du xxe siècle, l’évolution des technologies nous a menés vers une société toujours plus prospère. Il y a certainement eu des ratés — et même des disruptions majeures — en cours de route. La mécanisation de l’agriculture a détruit des millions d’emplois et a poussé de nombreux ouvriers agricoles en quête de travail vers les villes. Plus tard, l’automatisation et la mondialisation ont poussé les travailleurs hors du secteur manufacturier vers de nouveaux emplois dans les services. Durant ces transitions, le chômage à court terme était souvent un problème, mais il n’est jamais devenu structurel ou permanent. De nouveaux postes furent créés et les travailleurs sans emploi ont pu accéder à de nouvelles opportunités.
De plus, ces nouveaux emplois étaient souvent meilleurs que les anciens, exigeaient plus de qualifications et offraient de meilleurs salaires. À aucun moment cela n’a été plus vrai que durant les vingt-cinq années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Cet « âge d’or » de l’économie américaine se caractérise par une symbiose apparemment parfaite entre progrès technologique rapide et protection de la main-d’œuvre américaine. Au fur et à mesure que les machines utilisées dans la production se sont améliorées, la productivité des personnes travaillant sur ces machines a également augmenté, permettant ainsi à ces ouvriers d’exiger des salaires plus élevés. Tout au long de la période d’après-guerre, les retombées de l’évolution des technologies sont arrivées directement dans les poches des travailleurs, car leur salaire augmentait en même temps que la productivité. Ces travailleurs, en retour, pouvaient dépenser leurs revenus toujours croissants, créant de fait une augmentation de la demande des biens et services qu’ils fabriquaient.
Comme cette boucle de rétroaction positive fut un moteur pour l’économie américaine, les économistes ont aussi pu profiter de cet âge d’or. C’est à cette même époque que de grandes figures, comme Paul Samuelson, ont œuvré pour transformer l’économie en une science, s’appuyant sur des bases mathématiques solides. L’économie s’est peu à peu métamorphosée pour devenir une matière complètement dominée par des techniques quantitatives et statistiques sophistiquées. Les économistes ont alors commencé à mettre en place des modèles mathématiques complexes qui constituent encore aujourd’hui la base intellectuelle du domaine. Ces économistes d’après-guerre considéraient cet environnement économique prospère comme normal. Pour eux, c’était la façon dont une économie devait fonctionner et fonctionnerait toujours.
Dans son ouvrage[1], Jared Diamond relate l’histoire de l’agriculture en Australie. Au xixe siècle, lorsque les premiers Européens ont colonisé l’Australie, ils ont trouvé un paysage relativement luxuriant et verdoyant. À l’instar des économistes américains dans les années 1950, les colons australiens sont partis du principe que ce qu’ils voyaient était normal et que ces conditions allaient continuer indéfiniment. Ils ont donc fortement investi dans le développement de fermes et de ranchs sur cette terre en apparence fertile.
Cependant, après une ou deux décennies, la réalité les a rattrapés. Les fermiers ont découvert que le climat était bien plus aride qu’ils ne le pensaient. Ils avaient simplement eu la chance (ou plutôt la malchance) d’arriver au cours d’une période climatique appelée « Goldilocks », comprenez une phase idéale pendant laquelle tout est parfait pour l’agriculture. En Australie, on peut encore aujourd’hui voir les vestiges de ces malheureux investissements prématurés : des fermes abandonnées au milieu d’un paysage principalement désertique.
Il y a de bonnes raisons de penser que cette période florissante (Goldilocks) de l’économie américaine touche à sa fin. Cette relation de symbiose entre productivité et hausse des salaires a commencé à se dissoudre dans les années 1970. En 2013, un ouvrier sur les chaînes de production gagnait environ 13 % de moins qu’en 1973 (après ajustement au taux d’inflation), alors même que la productivité a augmenté de 107 % et que les coûts du logement, de l’éducation et de la santé ont explosé.
Le 2 janvier 2010, le Washington Posta signalé qu’aucun nouvel emploi n’avait été créé durant la première décennie du xxie siècle. Zéro. Cela ne s’était pas vu depuis la Grande Dépression (crise économique des années 1930). En effet, il y a toujours eu au moins 20 % d’emplois créés pour chacune des décennies d’après-guerre. Même les années 1970, période pourtant associée à la stagflation (croissance faible et forte inflation) et à la crise énergétique, ont généré une augmentation du nombre d’emplois de 27 %. La décennie perdue des années 2000 est particulièrement surprenante lorsqu’on considère que l’économie américaine a besoin de créer environ 1 million d’emplois par an juste pour absorber la croissance de la main-d’œuvre. En d’autres mots, pendant cette décennie, 10 millions d’emplois environ auraient dû être créés, mais n’ont jamais vu le jour.
L’inégalité des revenus a aujourd’hui atteint un niveau sans précédent depuis 1929. De plus, il apparaît clairement que l’augmentation de la productivité, qui dans les années 1950 avait permis aux ouvriers de gagner plus, bénéficie désormais presque entièrement aux entrepreneurs et aux investisseurs. La part du travail dans le revenu national a fortement baissé et continue sa chute. Notre période Goldilocks touche à sa fin et l’économie américaine entre dans une nouvelle ère.
Cette nouvelle ère est définie par un changement fondamental des relations entre les travailleurs et les machines. Cette transformation va finalement remettre en question l’une de nos hypothèses les plus élémentaires sur la technologie : les machines sont des outilsqui augmentent la productivité des travailleurs. Au lieu de cela, les machines elles-mêmes deviennent des travailleurs et la frontière entre la main-d’œuvre et l’investissement devient de plus en plus floue. Tout ce progrès est, bien entendu, propulsé par l’accélération incessante de l’informatique. Bien que la plupart des individus connaissent désormais la loi de Moore (la règle empirique selon laquelle la puissance de calcul des microprocesseurs double tous les dix-huit à vingt-quatre mois), tout le monde n’a pas encore complètement compris l’implication de cet extraordinaire progrès exponentiel.
Imaginez que vous montez dans votre voiture et que vous démarrez à une vitesse de 8 km/h. Vous conduisez pendant une minute, vous accélérez ensuite pour doubler votre vitesse à 16 km/h. Vous continuez une minute de plus, puis vous doublez encore une fois votre vitesse et ainsi de suite. La chose la plus remarquable n’est pas simplement le fait de doubler la vitesse, mais la distance parcourue à la suite de ce processus. Durant la première minute, vous parcourez environ 134 mètres. Pendant la troisième minute, c’est-à-dire à une vitesse de 32 km/h, vous aurez parcouru 536 mètres. À la cinquième minute, à une vitesse de 128 km/h, vous aurez parcouru plus d’un kilomètre. À la sixième minute, il vous faudra une voiture plus rapide et un circuit de formule 1 !
Maintenant, si vous doublez votre vitesse vingt-sept fois, imaginez à quelle vitesse vous pourriez voyager et quelle distance vous pourriez parcourir durant cette dernière minute. Cela correspond environ au nombre de fois où la puissance des ordinateurs a doublé depuis l’invention des circuits intégrés en 1958. La révolution actuelle ne se produit pas seulement à cause de l’accélération en elle-même, mais plutôt parce que cette accélération dure depuis si longtempsque le progrès que l’on peut en attendre dans les années à venir est potentiellement faramineux.
D’ailleurs, la réponse à la question concernant votre vitesse en voiture selon notre modèle est de 1 080 millions km/h. À la vingt-huitième minute, vous aurez parcouru plus de 17 millions de kilomètres. Cinq minutes environ à cette vitesse et vous arrivez sur Mars. En un mot, il s’agit de définir où se situent aujourd’hui les technologies de l’information par rapport aux balbutiements des premiers circuits intégrés de la fin des années 1950.
Ayant travaillé dans le développement de logiciels pendant plus de vingt-cinq ans, j’étais au premier rang pour observer l’extraordinaire évolution de la puissance des ordinateurs. J’ai aussi pu voir de près l’exceptionnel progrès réalisé dans le domaine de la conception de logiciels et d’outils qui ont permis aux développeurs d’être plus productifs. Et puis, en tant que dirigeant d’une petite entreprise, j’ai vu comment la technologie a changé la façon dont je gère mes affaires. Plus particulièrement, j’ai vu à quel point la technologie a réduit le nombre d’employés nécessaires pour effectuer les tâches de routine essentielles au bon fonctionnement de n’importe quelle entreprise.
En 2008, alors que la crise financière mondiale se révélait, j’ai commencé à réfléchir sérieusement aux implications de cette puissance exponentielle de l’informatique et en particulier sur la manière dont cela risque de transformer en profondeur le monde du travail et l’économie mondiale dans les prochaines années. Ce constat fut présenté dans mon premier livre : The Lights in the Tunnel: Automation, Accelerating Technology and the Economy of the Future, publié en 2009.
Dans cet ouvrage, j’insiste sur l’importance de l’évolution de la technologie, mais je sous-estime la rapidité avec laquelle les choses évoluent. Par exemple, j’écris que les constructeurs automobiles utilisent des systèmes anticollisions pour prévenir les accidents et je suggère que ces systèmes peuvent « avec le temps, évoluer et devenir des voitures autonomes ». Eh bien, en réalité, il se trouve qu’« avec le temps » ne représentait pas une aussi longue période que ça ! Un an après la publication du livre, Google présenta sa voiture complètement autonome. Trois États (le Nevada, la Californie et la Floride) ont d’ailleurs voté des lois autorisant ces voitures sans conducteur à partager, selon certaines limites, le réseau routier classique.
Je parle aussi du progrès de l’intelligence artificielle (IA). En 1997, la façon dont l’ordinateur d’IBM Deep Blue avait battu aux échecs le champion du monde Garry Kasparov fut certainement la plus impressionnante démonstration d’IA. Je fus également surpris lorsque IBM présenta Watson, le successeur de Deep Blue. Cette machine allait relever un défi bien plus complexe : participer au jeu télévisé Jeopardy!.Les échecs ont des règles strictes et rigides. C’est la raison pour laquelle on s’attend à ce qu’un ordinateur soit doué à ce jeu. Jeopardy!est quelque chose de complètement différent : c’est un jeu qui repose sur des connaissances générales dans de nombreux domaines et qui demande une analyse fine du langage, y compris les blagues et les jeux de mots. Le succès de Watson à Jeopardy!est non seulement impressionnant, mais il est concret. D’ailleurs, IBM pense que Watson pourrait un jour jouer un rôle important dans des domaines tels que la médecine ou le service client.
On peut gager que chacun d’entre nous ne manquera pas d’être surpris par les avancées réalisées dans les prochaines années. Il n’y a pas que la nature des avancées technologiques qui sera surprenante, l’impact de l’accélération du progrès sur le marché du travail et sur l’économie globale est sur le point de défier la manière dont économie et technologie s’entrelacent.
L’une de nos plus grandes certitudes qui sera d’abord bousculée est l’hypothèse selon laquelle l’automatisation est une menace pour les travailleurs peu qualifiés. Cette hypothèse vient du fait que de tels emplois ont tendance à être répétitifs. Cependant, avant d’adhérer à cette idée, considérons à quel point la frontière se déplace. À une certaine époque, activité répétitive signifiait travail à la chaîne. Aujourd’hui, la réalité est bien différente. Tandis que les emplois moins qualifiés continueront sans doute d’être touchés, la plupart des travailleurs qualifiés et des fonctionnaires vont se rendre compte, eux aussi, que leurs emplois seront directement visés par l’automatisation à cause des logiciels et des algorithmes prédictifs, dont les fonctionnalités progressent très vite.
Le fait est que l’adjectif « répétitif » n’est peut-être pas le meilleur mot pour décrire les emplois les plus susceptibles d’être menacés par la technologie. Un terme plus précis pourrait être « prévisible ». Est-ce qu’un individu pourrait apprendre à faire votre travail simplement en étudiant un compte rendu détaillé de tout ce que vous avez fait jusqu’à présent ? De la même manière qu’un étudiant se prépare pour un examen, est-ce qu’une personne pourrait devenir compétente en répétant les tâches que vous avez déjà accomplies ? Si la réponse est oui, alors il y a de fortes chances pour qu’un algorithme puisse un jour faire votre travail. C’est particulièrement vrai depuis que le phénomène du big data ne cesse de croître : les organisations collectent une quantité impressionnante de données sur tous les aspects de leurs activités. Les informations concernant un grand nombre de secteurs sont vraisemblablement contenues dans ces données. Ces dernières sont à disposition de n’importe quelle machine intelligente qui pourrait un jour utiliser ses propres algorithmes pour apprendre seule, en puisant dans les traces laissées par ses prédécesseurs humains.
Il en résulte que faire de plus longues études ou avoir plus de qualifications ne nous protégera pas contre l’automatisation de l’emploi dans le futur. Prenons l’exemple des radiologues, c’est-à-dire les médecins spécialisés dans l’imagerie médicale. Cette profession nécessite une très longue formation, en moyenne treize ans après le baccalauréat. Aujourd’hui, les ordinateurs deviennent de plus en plus performants en traitement et en analyse d’images. Il est facile d’imaginer qu’à l’avenir les radiologues seront remplacés par des machines.
En général, les ordinateurs sont très performants pour acquérir des compétences, surtout lorsqu’une importante quantité d’informations est disponible. Les emplois de primo-insertion vont être particulièrement affectés et il y a de fortes chances pour qu’ils le soient déjà. Les salaires des jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi ont diminué tout au long de ces dernières années, tandis que 50 % des nouveaux diplômés sont obligés de prendre des emplois qui ne requièrent pas de diplôme universitaire. En effet, comme je le démontrerai dans ce livre, nombreux sont les emplois diplômés (avocats, journalistes, scientifiques et pharmaciens) qui sont déjà menacés par l’évolution des technologies de l’information. Ce ne sont pas les seuls : la majorité des emplois sont, à différents degrés, routiniers et prévisibles, avec peu de personnes suffisamment rémunérées, en tout cas au début, pour pouvoir consacrer tout leur temps à un travail faisant appel à la créativité ou à l’imagination.
Alors que les machines se chargeront de ce travail routinier, les salariés feront face à un défi sans précédent lorsqu’ils essaieront de s’adapter. Par le passé, l’automatisation était très spécialisée et ne touchait qu’un seul secteur à la fois ; les ouvriers pouvaient alors basculer vers de nouvelles industries émergentes. La situation actuelle est tout à fait différente. Les technologies de l’information ont un caractère universel et leur impact s’effectuera à tous les niveaux. Pratiquement tous les secteurs vont nécessiter moins de main-d’œuvre puisque les technologies de l’information seront intégrées dans les modèles de gestion, et cette transition pourrait avoir lieu assez rapidement. De plus, les industries nouvelles utiliseront des technologies toujours plus performantes pour limiter leur besoin en main-d’œuvre, et ce, dès leur création. Les sociétés telles que Google ou Facebook, par exemple, ont réussi à être connues de tous et à conquérir le marché en engageant un tout petit nombre d’employés par rapport à leur taille. Tous les facteurs sont réunis pour s’attendre à un scénario similaire pour toutes les industries nouvelles créées à l’avenir.
Tout ceci suggère que nous nous dirigeons vers une transition qui mettra l’accent sur l’économie et sur la société. Les conseils donnés aux salariés et aux étudiants qui se préparent à entrer dans la vie active sont probablement inutiles. La réalité est déplorable : bon nombre de personnes auront beau faire tout ce qu’il faut, au moins en matière d’éducation et de qualification, elles ne réussiront quand même pas à se tailler une place de choix dans la nouvelle économie.
Au-delà des effets potentiellement dévastateurs, à long terme, du chômage et du sous-emploi sur les individus et le tissu social, il y aura aussi un prix économique considérable. La boucle de rétroaction positive entre productivité, hausse des salaires et augmentation du pouvoir d’achat va s’effondrer. Nous sommes d’ailleurs déjà confrontés à des inégalités croissantes, non seulement au niveau des salaires, mais aussi de la consommation : 5 % des ménages les plus riches sont responsables de presque 40 % des dépenses et cette tendance à la concentration des richesses n’est pas près de s’arrêter. Le travail reste le premier levier par lequel les consommateurs obtiennent du pouvoir d’achat. Si ce mécanisme continue de s’affaiblir, nous serons confrontés à une perspective où trop peu de consommateurs pourront soutenir la croissance de notre économie de marché.
Comme il est démontré clairement dans cet ouvrage, l’évolution des technologies de l’information nous pousse vers un point de rupture où l’économie globale nécessitera une main-d’œuvre moins importante. Cependant, cette transition ne se passera pas forcément de manière régulière et prévisible. Deux domaines en particulier, la santé et l’éducation, ont été jusqu’à présent très résistants aux perturbations déjà visibles dans d’autres pans de l’économie. Le paradoxe est que l’échec de la technologie à transformer ces secteurs pourrait amplifier des effets négatifs ailleurs, puisque le coût de la santé et de l’éducation ne cesse d’augmenter.
Bien évidemment, la technologie ne façonnera pas à elle seule le futur. Elle sera inextricablement liée à d’autres défis sociétaux et environnementaux, comme le vieillissement de la population, le changement climatique ou l’épuisement des ressources. On dit souvent qu’une pénurie de main-d’œuvre va probablement s’accentuer au fur et à mesure que la génération des baby-boomers va partir à la retraite, contrebalançant ainsi (peut-être même écrasant) tous les impacts de l’automatisation. L’innovation rapide est typiquement adaptée pour atténuer (voire contrebalancer) les tensions que nous créons sur l’environnement. Cependant, comme nous le verrons, bon nombre de nos hypothèses s’appuient sur des incertitudes : l’histoire est sûrement bien plus complexe. En effet, l’effrayante réalité réside dans le fait que, si nous ne savons pas identifier les évolutions technologiques ni nous adapter à leurs conséquences, nous risquons alors de nous exposer à une véritable tempête dans laquelle les impacts des inégalités croissantes du « chômage technologique » et du changement climatique se déploieront de façon analogue et, d’une certaine manière, s’amplifieront et se renforceront mutuellement.
Dans la Silicon Valley, l’expression « disruption technologique » est lâchée de temps à autre. Personne ne doute du fait que la technologie a le pouvoir de détruire des pans entiers de l’industrie ainsi que certains secteurs précis de l’économie et de l’emploi. La question que je me poserai dans ce livre est bien plus vaste : est-ce que l’évolution de la technologie peut disrupter[2]entièrement notre systèmeau point qu’une restructuration fondamentale soit nécessaire si l’on veut que la prospérité ait un avenir ?
[1]. Jared Diamond, Collapse: How Societies Choose to Fail or Succeed, Penguin Books, 2005 ; traduit en français sous le titre Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Folio Essai, 2009.
[2]NdT : Le concept de disruption, inventé par Clayton M. Christensen, professeur à Harvard, est apparu pour la première fois son article « Disruptive Technologies: catching the wave » publié dans Harvard Business Reviewen 1996 et rédigé avec Joseph L. Bower. Comme l’observe Martin Ford, la disruption est un terme désormais largement galvaudé, mais au plan originel, il signifie l’introduction d’une innovation impliquant une modification profonde du business model existant. On confond à tort la disruption avec « l’innovation radicale », qui est l’introduction d’une technologie disqualifiant l’état de la technologie antérieur. En effet, dans le cas de la disruption, c’est seulement la manière d’opérer qui change. Celle-ci peut s’appuyer sur de nouvelles technologies, mais le service demeure le même. Par exemple, la licorne californienne Uber a « disrupté » le marché de transport VTC urbain en mobilisant les technologies existantes (terminal mobile, connexion 3G, système de géolocalisation), mais la finalité du service, à savoir le transport de clients d’un point A à un point B, demeure la même.
Un extrait des nombreux médias qui parlent du livre :
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
Dans un des chapitres de « L’avènement des machines », qui vient de paraître en Français chez Fyp Editions, l’auteur Martin Ford rapporte un dialogue (sans doute légendaire) entre un patron d’industrie automobile et un leader syndicaliste passant devant une chaîne venant d’être automatisée. Et le patron de railler le syndicaliste sur son incapacité à syndiquer des robots, le syndicaliste rétorquant que le patron est incapable de vendre des automobiles aux robots. L’anecdote est amusante mais résume bien le propos général du livre. Celui-ci a cumulé aux Etats-Unis les distinctions : Best-seller du New York Times, lauréat du prix « Business Book of the Year » Financial Times-McKinsey, « Top Business Book » du magazine Forbes…
Le titre original, « Rise of the Robots », fait penser à « Rise of the Machines », le sous-titre du film Terminator 3. C’est probablement volontaire de la part de l’auteur. Car les machines, au sens le plus large, font peur. Du robot à l’intelligence artificielle, les machines rendent le travail humain -même très qualifié- souvent obsolète. Vient alors le drame de la crise économique : si les humains sont privés de revenus, alors ils n’ont plus de pouvoir d’achat. Qu’ils meurent de faim laisse indifférent les économistes mais qu’ils n’achètent plus de nourriture, voilà le drame.
Obsolescence du travail humain… et de l’humanité ?
Dans son ouvrage, Martin Ford analyse en détail le phénomène en s’appuyant non seulement sur de nombreux exemples mais aussi sur des travaux de nombreux économistes. Il l’examine dans toutes ses facettes et le justifie. Oui, objectivement, le travail des machines rend le travail humain obsolète dans le sens où une machine travaille mieux, plus vite et moins cher, que ce soit dans le monde physique ou celui des données, l’un nourrissant l’autre. Au delà du problème économique se pose celui du devenir de l’homme, de plus en plus habitué à se reposer sur des machines plutôt que sur ses compétences (on aura bientôt tous besoin d’un GPS pour aller de sa chambre à sa cuisine) avec les conséquences sur l’appétence à l’acquisition de compétences. La problématique n’est pas neuve, ce qui fait l’intérêt de l’ouvrage est sa complétude.
Alternatives économiques : CHRISTIAN CHAVAGNEUX
L’automatisation va nous prendre nos emplois, telle est la conviction de Martin Ford, entrepreneur dans la Silicon Valley et spécialiste des transformations technologiques. Les exemples concrets qu’il fournit dès le début du livre interpellent : dans les domaines de la restauration rapide, du commerce de détail, de l’agriculture, la robotisation est en marche. Et elle devient moins chère et plus rapide grâce au cloud robotique.
Il faut s’attendre à des conséquences négatives en matière de salaires, de création d’emplois, de polarisation des emplois (les postes de cadres intermédiaires sont sur la sellette). Et les cols blancs ne seront pas épargnés : tout ce qui repose sur l’analyse de connaissances accumulées, en santé, en droit, en éducation supérieure, etc., pourra être touché. Pour Martin Ford, dans quinze ans, 90 % des articles de journaux seront écrits par des machines. Pour répondre à ces évolutions, il appelle au développement d’un revenu de base.
Au-delà de l’imprimante 3D et des voitures autonomes, la fin de l’ouvrage nous emmène dans l’avenir possible des intelligences artificielles. Pourront-elles réfléchir comme des humains ? Le débat entre spécialistes n’est pas tranché. Mais les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) veulent y arriver et elles y mettent d’énormes moyens financiers. Le risque est que ces intelligences orientent leurs connaissances vers leur propre développement et dépassent largement l’entendement humain (un risque évoqué dès 1968 par Stanley Kubrick dans 2001 : l’odyssée de l’espace). Une machine a déjà fourni une équation sur l’identification des bactéries que les scientifiques ne comprennent pas… Ajoutez à tout cela la possibilité d’assemblages moléculaires grâce aux nanoparticules, et c’est toute l’industrie qui est révolutionnée. Science-fiction ? Réponse d’ici à vingt-trente ans.
Martin Ford, qui a 25 ans d’expérience du développement de l’informatique dans la Silicon Valley, s’interroge dans ce livre (traduction française d’un ouvrage paru en 2015) sur les conséquences de l’émergence des robots sur l’emploi dans les sociétés de demain. Une première vague d’automatisation a déjà touché l’industrie, avec les robots d’assemblage, et une nouvelle s’apprête à déferler dans le secteur des services (la restauration dans les fast-foods, par exemple, où non seulement on mangera mal, mais aussi où l’on sera servi par des machines).
En 10 chapitres, l’auteur met en évidence la complexité de la relation machines-emploi dans un monde qui va être transformé par le numérique et les nombreux automatismes. Il rappelle en introduction que si au XXe siècle la main-d’œuvre quittait des emplois agricoles détruits par la mécanisation pour en trouver de nouveaux dans l’industrie, la situation est différente aujourd’hui car les emplois détruits dans l’industrie ou les services (où se trouve désormais la majorité des emplois, 1,8 million chez le seul McDonald’s) ne seront pas facilement remplacés. Il est vrai que le problème avait été posé il y a longtemps, notamment par Norbert Wiener, le père de la cybernétique, qui annonçait, dans un article publié dans le New York Times en 1949, que l’informatique et l’automatisation provoqueraient une « révolution industrielle ». Cette révolution est en cours dans un contexte différent : les salaires n’augmentent plus alors que la productivité avait fortement augmenté et leur part dans le revenu national baisse, les profits des entreprises augmentent, l’économie américaine crée moins d’emplois, les inégalités s’accroissent, les salaires des nouveaux diplômés diminuent.
Dans le contexte économique actuel, les technologies de l’information constituent une force de rupture sans précédent, souligne l’auteur, qui accélère le changement (il fait sans doute preuve d’optimisme vis-à-vis de la loi de Moore qui semble atteindre ses limites). De fait, ce sont les classes moyennes, les cols blancs, qui seront les plus touchées par l’évolution technique. À l’appui de cette « prévision », Martin Ford cite les progrès de la traduction automatique et les premiers articles de journaux écrits automatiquement par des machines alimentées par des bases de données (la création artistique pourrait être également touchée estime-t-il). Plus simplement, ce sont les emplois qui nécessitent un face-à-face avec le public qui seraient les moins menacés (l’étude d’Oxford citée par Alec Ross va dans le même sens), les diplômés de premier niveau (la licence) seraient également menacés par l’automatisation des services.
On peut envisager des parades à cette vague, la transformation de l’éducation pour ouvrir à des techniques nouvelles en étant une. L’avènement d’un enseignement à distance via Internet (les MOOC, Massive Open Online Courses) s’inscrit dans cette perspective, mais l’auteur doute de son efficacité à long terme, sauf pour la formation permanente ; l’évolution récente de l’enseignement supérieur s’accompagne par ailleurs d’un fort endettement des étudiants. La santé est un autre champ largement ouvert aux techniques de l’information car la consultation de bases de données couplée à des systèmes experts facilitera les diagnostics et les traitements ; de nouveaux métiers apparaîtront probablement dans ce domaine pour faire face aux besoins médicaux de sociétés vieillissantes.
L’avenir de l’industrie dépendra fortement des progrès des techniques automatisées — impression 3D, robots de production, véhicules automatiques — dont l’impact sur la productivité et la consommation, et donc sur l’emploi, sera important, même s’il est difficilement prévisible, les avis des économistes sur ces sujets étant souvent en opposition. L’auteur pose une question de fond : une croissance économique peut-elle être « soutenable » si les inégalités de revenus continuent à croître ? Il fait l’hypothèse de l’apparition d’une société « techno-féodale », avec un chômage élevé, dans laquelle seule une minorité de consommateurs aurait les moyens d’accéder à des biens de consommation de haute technicité.
Rappelant les propos futuristes de spécialistes des techniques d’intelligence artificielle et des nanotechnologies, qui envisagent une transformation radicale de l’homme par ces techniques, l’auteur juge que si ces « prévisions » sont de pures spéculations, l’incidence de ces techniques sur l’emploi est une vraie question de société. Martin Ford propose dans son dernier chapitre de parer au danger d’un sous-emploi permanent, en redistribuant du pouvoir d’achat par un changement de paradigme économique : créer un revenu minimum de base pour tout citoyen, quelle que soit sa situation économique. Cette proposition qui est déjà débattue — elle a été rejetée massivement par une votation en Suisse en 2016, mais l’État de l’Alaska la met en pratique à un faible niveau — est évidemment radicale et il reconnaît qu’elle n’est politiquement pas mûre.
Ce livre a le grand mérite de dresser un tableau complet du défi que pose à notre société l’automatisation croissante des techniques de production et de leur incidence sur l’emploi. On fera crédit à son auteur de ne s’avancer qu’avec prudence sur certains terrains techniques à un horizon de 20 à 30 ans, sans s’aventurer dans des spéculations peu fondées. Sa vision est certes très occidentale, mais les solutions qu’il préconise méritent d’être débattues.